travailler son instrument piano petit bonhomme

Combien de temps par jour faut-il travailler son instrument ?

8 heures ? 2 heures ? 4 heures ?
Dans l’idéal, combien de temps par jour doit-on travailler son instrument ?

Je pose souvent une question similaire aux étudiants qui préparent le concours de médecine quand je les forme à l’apprentissage optimisé. Bien sûr, je ne parle pas de musique. Je leur demande :

“Dans l’idéal, combien de temps par jour devriez-vous travailler vos cours ?”.

Certains répondent “Plus on bosse mieux c’est !”. Cela sonne bien mais est-ce vrai ?

Pour nous qui nous exerçons chaque jour sur notre instrument, il est tentant de prendre pour vrai une telle affirmation. Néanmoins la question mérite d’être étudiée car elle répond à l’interrogation suivante :

Quelle est la durée optimale de travail quotidien pour devenir un excellent musicien ?

Ce que la science en dit

La loi des 10 000 heures

En matière d’étude et de recherche sur le domaine de la performance et de l’excellence, le chercheur en psychologie K. Anders Ericsson fait figure d’autorité mondiale. 

Ses recherches sont à l’origine de la fameuse « loi des 10 000 heures ».

Cette loi stipule que pour devenir un expert dans une discipline quelconque il est nécessaire de s’exercer au moins 10 000 heures. En effet, les compétiteurs de niveau mondial ont tous atteint ce « rang » à partir de 10 000 heures de pratique.

Ceci est encourageant !

Pour devenir un musicien hors-pair, il suffit donc de travailler son instrument environ 5 heures par jour pendant 5 ans ? Ou environ 2 heures par jour pendant 14 ans ?

Mais beaucoup de personnes ont pratiqué le piano, la guitare, ou encore le football, le basket, le judo, etc… pendant 10 000 heures sans jamais atteindre un niveau d’élite mondiale, n’est-ce pas ? Pourquoi ?

L'apprentissage délibéré

Travail intelligent versus travail stupide

Si tout le monde n’atteint pas un niveau d’élite mondiale c’est parce que tout le monde ne travaille pas de la même façon ! Le docteur K. Anders Ericsson explique qu’il faut pratiquer 10 000 heures, certes ! Mais pas n’importe comment…

Il faut pratiquer 10 000 heures de ce qu’on appelle l’apprentissage délibéré.

​L’apprentissage délibéré fait référence à un apprentissage intelligent et méticuleux. Cela revient à travailler son instrument en tâchant d’évaluer constamment l’efficacité des méthodes qu’on emploie.

C’est une pratique qui ​exige une concentration maximum. En effet, la pratique délibérée demande d’être conscient de tous les moindres détails de notre jeu, pour l’analyser et nous orienter ensuite dans la meilleure direction avec les meilleurs outils​.

​L’idée est de chercher constamment à répondre à la question suivante :
« Comment progresser davantage ? »

Des exemples d'apprentissage délibéré

Les articles « Comment progresser musicalement grâce à un programme de travail efficace » et « Analyser sa méthode de travail pour devenir un meilleur musicien » illustrent des démarches de pratique délibérée.

En somme, l’apprentissage délibéré est diamétralement opposé à une pratique répétitive et abrutissante.

Et oui ! 10 000 heures de n’importe quoi, ça donne n’importe quoi…
Si je fais des gammes devant ma télé sans faire très attention à ce que je fais, sans remarquer mes erreurs, mes loupés ni même ce que je fais de bien… Il y a de grandes chances pour que je progresse peu et lentement. ;(

Cette idée d’apprentissage délibéré nous donne une belle piste pour répondre à la question « Combien de temps par jour faut-il travailler son instrument ? »Voyons à présent ce qu’en pensent les musiciens d’élites.

Combien de temps ​faut-il travailler son instrument ? La réponse des experts.

Certains des plus grands musiciens du XXème siècle ont répondu à cette question.
Quand le violoniste Nathan Milstein a demandé à son professeur le grand Léopold Auer « Combien d’heures par jour il fallait travailler son instrument ? », celui-ci lui a répondu la célèbre phrase suivante : 

« Joue avec tes mains tu en auras pour toute la journée. Joue avec ta tête tu en auras pour une heure et demie. »

Un des plus grands pianistes du XXème siècle, Arthur Rubinstein, a expliqué un jour dans une interview que « Personne ne devrait travailler son instrument plus de 4 heures pas jour. » Il a ajouté que « Si quelqu’un a besoin de plus de 4 heures pas jour, cela veut très probablement dire qu’il travaille mal. »

Le célébrissime violoniste Sacha Heifetz a dit un jour qu’il ne travaillait pas son instrument plus de 3 heures par jour. Il a également précisé qu’il ne jouait pas de violon le dimanche.

J’ai par ailleurs le souvenir d’avoir lu dans une étude de psychologie cognitive (sur laquelle je n’arrive pas à remettre la main) que les musiciens les plus illustres de notre époque ont coutume de ne pas s’exercer plus de 4 heures par jour.
La majorité divise ces 4 heures en au minimum deux sessions, une le matin et une l’après-midi.

Un ami, diplômé du Conservatoire Supérieur de Lyon en clavecin, m’a dit qu’un de ses professeurs lui donnait la même consigne. Il l’invitait à ne pas travailler son instrument plus de 4 heures par jour. Il lui conseillait de profiter du reste du temps pour aller faire du sport, écouter de la musique, lire des partitions, etc.

Conseils pratiques

Vous l’avez compris, la différence qui fait la différence est la qualité de votre travail. Une heure de travail efficace donne plus de fruits que 10 heures de travail bâclé.

Travaillez quand vous avez le plus d'énergie

Comme un travail de qualité demande beaucoup d’énergie mentale, il est impossible de travailler toute la journée en mode « apprentissage délibéré ». Sauf si vous êtes Superman ou un autiste doté de quelques facultés exceptionnelles…

Quoi qu’il en soit, pour être en forme mentalement, il faut être en forme physiquement. D’où la question suivante :
Savez-vous à quelles heures de la journée vous avez le plus d’énergie ?
Vous savez, je parle des moments de la journée où vous avez l’énergie d’aller courir un marathon !

Si oui, c’est génial ! Je suis sûr que vous utilisez ces moments d’excellente forme physique et mentale pour travailler votre instrument de la meilleure façon qui soit.

Si non, c’est pas grave. Il existe un processus très simple, à faire sur une semaine, pour découvrir les moments de la journée où vous avez un pic d’énergie.

  1. Prenez une feuille de papier et tracez-y 7 colonnes pour les 7 jours de la semaine. 
  2. Tracez des lignes pour chaque heure de la journée, de 7h du matin à minuit (ou autres selon vos habitudes). 
  3. Notez toutes les heures votre niveau d’énergie de 0 à 10. 
    La note 0 correspond à « J’ai même pas assez d’énergie pour me lever de mon lit ».
    La note 10 équivaut à « Je suis au top du top, j’ai une pêche d’enfer ! »
  4. A la fin de la semaine, faite une moyenne de vos variations quotidiennes d’énergie. 
    De 7h à 8h, je suis à 5/10. De 8 à 9 je suis à 9/10. Etc.

Utilisez un minuteur

Comme vous le savez, la pratique délibérée demande d’être extrêmement concentré. Sinon, comment garantir une vigilance suffisante pour être conscient d’un maximum d’aspects de notre jeu ?

Rappelez-vous que la durée pendant laquelle un adulte peut rester bien concentré a des limites.
Pour un adulte entraîné, on atteint 50 minutes. Pour un enfant, 25 minutes.

Heureusement, on peut exercer notre concentration de diverses façons pour augmenter la durée et la qualité de cette dernière. En méditant, par exemple.

Car on ​perd en efficacité sans s'en rendre compte

Mieux vaut faire une pause toutes les 45 minutes que de pousser jusqu’à 1h15 si notre esprit part dans tous les sens pendant les 20 dernières minutes. En effet, au bout d’une heure de travail on devient progressivement de moins en moins efficace et on ne sent pas nécessairement cette baisse d’efficacité.

Personnellement, je vous encourage à utiliser un minuteur ou une application type « Pomodoro ».

Un timer vous signale quand c’est le moment de faire une pause. Ainsi, nul besoin d’y penser par soi-même. Croyez-moi, cela libère de la place dans la mémoire de travail que l’on peut consacrer à notre pratique !

Si vous avez des questions, des remarques ou autres, partagez-les dans l’espace commentaires ci-dessous. Je me ferai un plaisir d’y répondre. Partagez-moi également vos heures d’énergie maximum si vous les connaissez, ce serait sympa de pouvoir comparer !

Pour continuer à comprendre comment faire plus de progrès en musique, je vous propose de découvrir cet article.

Avec confiance et motivation 😉

Roman Buchta

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  • Stan dit :

    Bonjour Roman,
    Juste énorme ton article !! 🙂 Il est riche en information ! Après, je pense que les lois des 10 000heures, etc. concernent principalement les personnes qui se prédestine à être musicien professionnel ?
    Sinon, TOP tes conseils pratiques ! 🙂 Perso, en DJing, je conseille à mes élèves entre 30min et 1h par jour maximum de pratique. Je sais que beaucoup diront que mixer, ce n’est pas un « instrument » à proprement parler, et pourtant, c’est du boulot 🙂
    A bientôt !
    Stan.

    • Roman dit :

      Salut Stan,
      Merci de ton retour.
      10 000 n’est pas un objectif obligatoire à atteindre. C’est le temps minimum constaté chez l’élite des musiciens, sportifs et autres.
      Apprendre c’est développer des compétences et cela demande un haut niveau de concentration. Bien sûr le DJing ne fait pas exception !
      Par ailleurs, pour tes élèves qui bossent une heure par jour, une petite pause de 5 minutes (verre d’eau / toilette) au bout de 30 minutes sera du meilleur effet !
      A bientôt 😉

  • Fred dit :

    Bonjour Roman,

    Merci pour ton article qui conforte bien notre opinion.
    Pour faire des progrès dans l’apprentissage de notre instrument le ukulélé, nous devons organiser des séances de pratique efficaces de l’instrument pour avoir les meilleurs bénéfices possibles dans l’amélioration du jeu.

    Nous pensons qu’il est préférable de s’organiser des séances de travail sur un temps défini ou l’état de concentration est au maximum donc pas trop long.

    J’ai déjà pratiqué la méthode pomodoro dans le domaine de la gestion de projet avec des effets très positifs par alternance de 25 min de travail et 5 min de pose.
    Cela peut être en effet une très bonne solution pour la pratique d’un instrument en définissant par exemple le nombre de pomodoro à faire sur la journée.

    Et si en plus on arrive à prendre en compte le paramètre Energie dont tu parles. Si on arrive à mettre en phase les séances avec les périodes les plus énergétiques de la journée, c’est que du bonus 🙂

    Une bonne théorie à mettre au mieux en phase avec la réalité du quotidien car ce n’est pas sans tenir compte de notre emploi du temps de la journée.

    Fred

    • Roman dit :

      Bonjour Fred,
      Merci pour ton commentaire.
      Heureux de constater que nous sommes d’accord sur le fait qu’il faut privilégier la qualité de travail et donc la qualité de la concentration.
      Oui, c’est une très bonne idée d’utiliser pomodoro pour structurer ses séances de travail, en se fixant des objectifs… réalistes !
      Je l’utilise constamment et je l’enseigne fréquemment à mes étudiants en école supérieure car elle permet de limiter la procrastination et d’intensifier la concentration !
      Quoi de mieux ?

      A bientôt 😉

  • Pierre dit :

    Salut Roman, je pense que cet article concerne les personnes voulant faire de la musique leur profession. Il n’est pas évident pour tout le monde de trouver ne serait-ce que 1h par jour pour pratiquer un instrument. Combien de temps de pratique quotidienne conseils-tu pour quelqu’un dont l’objectif est uniquement d’apprendre à jouer d’un instrument sans pour autant en faire son métier?

    • Roman Buchta dit :

      Bonjour Pierre,
      Cet article ne concerne pas seulement les professionnelles de la musique mais toutes les personnes qui veulent progresser dans la maîtrise de leur instrument.
      Il n’est pas rare qu’un musicien amateur s’exerce tout son dimanche en se disant qu’il va bien progresser comme cela !
      C’est le mythe du « plus j’en fait, mieux c’est » que je remets en cause !
      Après, il est vrai que c’est complexe pour certaine personne de trouver 1 heure dans la journée pour travailler la musique
      Concernant le temps de travail idéal pour un musicien amateur ma réponse est très simple.
      Je pense qu’il est préférable de travailler autant de temps que l’on peut rester très concentré ! 😉
      Excellente continuation à toi

  • Derf dit :

    Bonjour en fonction de mon emploi du temps j’avais pensé diviser mon entraînement quotidien en 3 Partie qui oscillerait entre 15 et 45 min par session selon le temps disponible. 1er session d’entraînement Le midi puis entre 17h et 18h et pour finir à partir de 20h30. Ce qui ferais entre 45min et 2h15 d’entraînement….. Ma question est la suivante : est ce que cette méthode peut être efficace..?

    • Roman Buchta dit :

      Bonjour, c’est une excellente question.
      C’est une très bonne idée de diviser vos sessions d’entraînement
      car votre cerveau solidifie des apprentissages entre vos séances de travail.
      En revanche vous devez être attentifs à la qualité de votre travail
      qui dépend de la qualité de votre concentration et donc de votre niveau d’énergie.
      Pouvez-vous être suffisamment concentré lors de ces trois créneaux ?
      Car comme vous l’avez lu dans cet article la qualité compte infiniment plus que la quantité.
      Peut-être vous pourriez-vous commencer par automatiser le fait de travailler pendant deux de ces créneaux,
      et évaluer au bout d’une semaine les résultats en termes de qualité de travail.
      Avez-vous réussi à bien vous concentrer ?
      Votre esprit ne s’est pas trop égaré dans d’autres pensées ?
      Etes-vous restés patients et détendus ?
      Et en fonction de cela vous pouvez rajouter la troisième séance.
      Quoi qu’il en soit, travailler toujours pendant les mêmes créneau horaire
      est une excellente stratégie d’apprentissage.
      Cela crée une habitude, un conditionnement, qui vous permet d’augmenter l’efficacité de votre travail.
      J’espère que ma réponse vous éclaire.
      Si vous avez d’autres questions je suis à votre écoute.
      Bien cordialement et musicalement 😉

  • Olivier dit :

    Bonjour Roman.

    Merci pour ce site.
    Cet article plus les deux autres mentionnés plus haut sont très intéressants. Grâce à ces articles et d’autres lectures sur le sujet, j’ai élaboré un programme sur une heure de travail par jours sur 6 jours par semaine. Il faut bien une pause.

    aménagement du temps de travail:

    -travail des gammes. On peut travailler 8 gammes sur la semaine en alternance de 4 gammes par jours. 3min par gamme. durée 12 min

    -lecture à vue. Souvent mise de côté ou ignorée. C’est une pratique intéressante pour automatismes visuels nécessaires à la pratique instrumentale. comme référence je cite durée +/- 8 min

    -travail d’études musicales. 2 max. 10 min

    -travail de menuet, morceau et pièces. 20mn

    -pour clore la séance et rester sur une pointe de motivation. Jouez des morceaux que vous maitrisez et qui vous plaisent. 10 min

    Tout ceci nous amène à une séance de 1h par jours.
    Cette méthode convient à toutes personne de tout âgé qui débute ou qui se trouve dans une phase d’apprentissage d’un instrument. Pour les débutants, il faut une phase progressive pour arriver à pratiquer un instrument sur une période d’une heure. Il faut aussi prendre en compte l’organisme, muscles et tendons qui sont pour certains instruments très sollicités.

  • Michaël dit :

    Bonjour Roman et merci pour cet article.

    Pour vous faire part de ma petite expérience de pianiste, j’intègre beaucoup mieux les nouveaux morceaux que j’apprends lorsque je répète de nombreuses coupures d’une à deux minutes dès que je n’arrive plus à enchaîner les accords. À chaque retour de pause, mes mains trouvent un automatisme que je n’avais pas avant.

    Je ne sais pas si c’est une méthode, mais en tout cas j’ai remarqué que mon cerveau assimile mieux avec ces nombreuses légères coupures, que si je m’entête à vouloir réussir à tout pris. Dans ce dernier cas, le brouillard devient de plus en plus épais et je sens les nœuds se former dans mon cerveau.

    Encore merci pour votre contribution à l’univers musicale.

    • Roman Buchta dit :

      Bonjour Mickael,

      Merci pour votre retour.
      Vous avez tout à fait raison.
      Comme j’aime le dire, les pauses sont au travail ce que l’expiration est à l’inspiration.
      En effet, faire des pauses permet au cerveau d’utiliser le matériel que nous lui
      avons fourni lors de notre travail pour construire les réseaux neuronaux qui nous permettront
      ensuite effectuer les gestes que nous souhaitons apprendre.

      Vos intuitions et observations sont très justes.

      Excellente continuation à vous 😉

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