Gérer le Trac.
Atteindre l’état de Flow.
Deux objectifs différents et cruciaux pour le musicien qui veut s’épanouir.
Le Trac, vous connaissez.
Souffle court, impression que tout s’accélère, mains moites, corps qui tremble et, pour certains, crise d’angoisse les jours avant la représentation.
En revanche, votre idée de ce qu’est l’état de Flow (appelé aussi « le Flow » ou « la Zone » chez les sportifs) est peut-être plus floue.
Pour vous, cela représente vaguement un état de bien-être, de félicité.
Vous visualisez peut-être un musicien passionné, en pleine transe, qui se déchaine sur son instrument.
Vous n’êtes pas si loin de la réalité.
Mise à part que l’on peut ressentir le Flow en étant aussi calme que l’eau d’un lac lisse.
Alors, quels points communs entre la gestion du Trac et l’état de Flow ?
À priori, la comparaison ne va pas de soi.
Et pourtant, ces deux états de conscience ont beau être aussi différents qu’un tracteur et une Ferrari, quelque chose les unit.
Vous avez une idée ?
Oui ? Non ?
Dans cet article, vous allez découvrir ce point commun et des pistes pour l’utiliser à votre avantage.
Mais avant cela, je dois vous en dire plus sur cet état magique que l’on appelle le Flow.
L'état de Flow : l'état de performance optimale
Le spécialiste incontesté de l’état de Flow se nomme Mihály Csikszentmihalyi.
Pas facile à prononcer comme nom de famille ! ;D
Ce célèbre chercheur a été directeur du département de psychologie de l’Université de Chicago et du département de sociologie et d’anthropologie du Lake Forrest College.
Selon lui, le Flow est « un état dans lequel les individus sont tellement immergés dans l’activité que rien d’autre ne semble avoir d’importance ».
Cet état est également qualifié d’expérience psychologique optimale.
Et oui !
Quand vous êtes dans le Flow, tout devient facile.
Vous prenez du plaisir tout en sentant que vous êtes au meilleur de vos capacités. Vous avez parfois même l’impression d’avoir un temps d’avance sur tout ce qui se déroule. Bien sûr, cela rend l’expérience jouissive.
D’ailleurs, Csikszentmihalyi qualifie cette expérience d’autotélique. Cela signifie, qu’elle se suffit à elle-même.
En gros, vivre le Flow est tellement plaisant, que vous n’avez qu’une seule envie, le revivre, encore et encore.
L’action devient le but.
Vous ne recherchez rien d’autre que de ressentir ce bien-être exquis.
Bien évidemment, cet état de grâce n’est pas vécu que par les musiciens. En effet, vous pouvez vivre le Flow à 280 Km sur une moto de course. Ou lorsque vous tricotez tranquillement dans votre Rocking-chair.
Grâce à leurs nombreuses recherches, les psychologues ont mis au jour les variables qui influencent votre capacité à rentrer dans l’état de Flow.
Aujourd’hui, nous savons précisément ce qui peut favoriser ou empêcher l’apparition de cet état jouissif et autotélique lorsque vous pratiquez la musique.
Et c’est là que le Flow peut-être relié au Trac et à sa gestion efficace.
Intéressant, n’est-ce pas ?
Alors, voyons cela de plus prêt.
Gestion du Trac et regard des autres
Unicité et diversité des Hommes
Certains concepts nous marquent plus que les autres. En voici un qui me vient tout droit du collège.
Dès mon premier cours d’histoire en 6ème, le jeune professeur nous a présenté le thème du premier trimestre : Unicité et diversité des civilisations.
Je dois avouer que depuis, ce concept d’unicité et de diversité me revient souvent à l’esprit.
En effet, il s’applique merveilleusement à l’être humain.
Nous sommes tous uniques.
Oui. Pourtant, nous avons des tonnes de points communs.
La respiration est un exemple parfait.
Vous et moi respirons constamment. « Heureusement » ! ;D
Cependant, nous n’inspirons et n’expirons pas au même rythme.
De plus nous n’utilisons pas les mêmes parties de notre cage thoracique; et/ou nous ne les sollicitons pas dans le même ordre.
Ce concept d’unicité et de diversité est particulièrement présent lorsque vous vous intéressez à la psychologie humaine.
Chacun d’entre nous réagit différemment aux situations de la vie. Mais, il existe des grandes familles de réactions que l’on observe toujours.
Illustrons cela avec un exemple.
Imaginez la scène suivante
Imaginez-vous à une audition devant un petit jury.
Vous venez de finir de jouer un morceau que vous avez assez bien maitrisé.
Et sans attendre, un des membres du jury quitte la salle.
Comment réagissez-vous ?
Quelles pensées vous viennent à l’esprit ?
Prenez-vous ce départ inopiné personnellement ?
Je veux dire, est-ce que vous l’associez à votre prestation ?
Ou alors, cette éventualité ne vous traverse même pas l’esprit. Vous vous êtes spontanément dit que cet étrange départ avait forcément une origine extérieure.
Quoi qu’il en soit, des hypothèses traverseront votre esprit. Unicité.
Cependant, vos déductions, vos réflexes d’interprétation seront différents de ceux d’autres musiciens qui vivraient la même situation. Diversité.
Pour cet exemple, vous trouverez deux grandes familles d’interprétation.
Une famille dans laquelle les musiciens associeront le départ du membre du jury à eux-même et à leur prestation, d’une manière ou d’une autre.
Une autre famille chez laquelle, ce départ inattendu aura forcément une explication extérieure.
Vous comprenez ?
Bien sûr, dans chaque groupe, des subdivisions d’interprétations existent. Mais pour cet exemple, nous n’avons pas besoin d’aller plus loin.
Ces automatismes d’interprétation jouent un rôle clé dans la gestion du Trac.
C’est pourquoi, ils influencent profondément votre capacité à jouer devant les autres, pétrifié par le Trac, ou galvanisé par l’état de Flow.
Le regard des autres module votre Trac
Vous le savez déjà peut-être, le Trac a plusieurs types de manifestations.
Cognitive, émotionnelle et physique.
Pour en savoir plus à ce sujet, je vous conseille cet article.
Ici, nous allons plonger dans les manifestations cognitives du Trac.
Si vous accompagnez des dizaines et des dizaines d’être humains à gérer leur Trac, vous allez remarquer une constante. Un phénomène qui est toujours présent. Sur le devant de la scène ou dans les coulisses.
Lequel ?
La peur du regard des autres et l’auto-jugement à travers les autres qui en découle !
Vous savez, quand vous vous dites :
« Et s’ils trouvent que je joue mal ? Faux ?
Que je suis nul ? Trop vieux ?
Que je devrais avoir honte de prétendre faire de la musique ? »
Que de douces pensées, n’est-ce pas ?
Rien qu’en les écrivant, je sens mon cœur se gonfler d’un enthousiasme doux et vivifiant.
Ce qui est rigolo avec ces pensées, ces petites voix dans la tête, c’est qu’elles ne sont que des projections.
Et oui ! Nous projetons sur le public des peurs que nous avons.
Parfois, une personne nous regarde, nous écoute. Elle ne se dit absolument rien intérieurement. Pourtant, nous lui remplissons la tête de critiques, de jugements. ;D
On se fait des films comme on dit !
Le Trac grossit en fonction de l'expertise de votre public
Bien sûr, ce phénomène s’accentue lorsqu’il y a des experts de votre domaine dans le public.
C’est logique !
Car ces personnes sont encore plus susceptibles d’émettre un jugement.
Dès qu’il y a des musiciens dans le public, le Trac est plus brûlant, n’est-ce pas ?
Vos craintes et vos projections s’emballent car votre imagination a le champ libre… Rien ne va plus !
Une pianiste me contait récemment une audition qui s’était très mal déroulée.
Pourtant, cette audition se présentait bien et avait bien commencé. Cette musicienne jouait une œuvre peu connue qu’elle maîtrisait.
Tout allait bien.
Enfin… jusqu’à ce qu’elle remarque qu’un membre du public bougeait les lèvres.
Là, elle a compris que cette personne marmonnait les notes de la pièce qu’elle jouait… À cet instant là, le sol s’est comme dérobé sous ses pieds… Mon dieu !
Quelqu’un connaissait l’œuvre qu’elle interprétait.
Cet auditeur pouvait donc évaluer sa prestation… Cette idée a généré un Trac si violent, qu’elle a fini par quitter la scène sans finir son morceau.
C’est tellement dommage…
Personnellement, je m’étonne toujours de la puissance de notre imagination. Cet exemple l’illustre bien.
L’image que vous vous faites de vous à travers les autres est en lien direct avec votre Trac.
D’ailleurs, ces projections impactent également votre capacité à rentrer dans l’état de Flow.
Une clé pour atteindre l'état de Flow
En questionnant de nombreux sportifs de haut niveaux, Csikszentmihalyi et d’autres chercheurs ont constaté que les personnes en état de Flow vivent des expériences similaires.
Que vous pratiquiez les échecs, le ski alpin, la natation ou la musique, votre état de Flow aura des caractéristiques constantes.
Une de ces caractéristiques nous intéresse particulièrement. La voici. Lorsqu’un humain vit l’état de Flow, il s’oublie dans l’expérience.
En effet, les sportifs interrogés expliquent que lorsqu’ils vivent l’état de Flow, ils ne font plus qu’un avec ce qu’ils sont en train de vivre.
Voyez-vous où je veux en venir ?
Si vous vous oubliez dans l’action, vous n’êtes plus en train d’avoir peur que l’on vous juge.
Vous n’êtes plus attentif à l’image que vous projetez…
Bien au contraire !
C’est pourquoi les chercheurs expliquent qu’une des caractéristiques psychologiques qui empêche de connaître le Flow est le fait d’être préoccupé par ce que les autres pensent de nous !
C’est là le lien entre le Trac et le Flow.
Plus vous avez peur de mal faire et d’être jugé plus vous allez souffrir d’un Trac agressif. En revanche, moins vous vous souciez du regard des autres et plus vous pourrez goûter le plaisir de vivre le Flow…
Vous comprenez ?
Vivre le Flow lorsque vous êtes seul
Bien sûr, c’est la même chose lorsque vous jouez de la musique sans public.
En effet, votre premier public c’est vous !
Si vous être trop exigeant et intolérant avec vous-même, quel type de public allez-vous être ?
Un public qui vous met à l’aise ?
Ou un public sévère ? Au visage impassible et au regard pénétrant…
C’est là que l’humain que vous êtes conditionne le musicien que vous devenez !
Je sais.
Ce que j’écris tombe sous le sens.
Mais il me semble que certaines évidences méritent d’être répétées, non ?
Que faire pour se libérer du regard des autres et mieux gérer le Trac
Si vous faites partie des personnes très exigeantes, voir intolérantes, avec vous même, ne vous blâmez pas !
Cela ne fera qu’ajouter une couche à la montagne de choses que vous êtes susceptible de vous reprocher…
Souvent, une exigeance exacerbée est le fruit d’une « éducation à l’ancienne ».
Elle prend également racine dans un système scolaire français qui entoure en rouge tout ce qui est faux au lieu d’entourer en vert tout ce qui est juste..
Imaginez-vous jouer en public sans aucune peur que l’on vous juge, que l’on vous critique.
Si vous étiez réellement à l’abri, en sécurité, qu’est-ce que cela changerait ?
Sentez-vous comme il serait possible d’exprimer plus facilement toutes les subtilités de votre âme à travers votre instrument ?
Pour ma part, j’ai constaté que le moyen le plus rapide et efficace d’atteindre cet objectif est de « travailler sur soi« .
Comment ?
En utilisant simplement des outils de thérapie brève de pointe et de préparation mentale qui ont fait leurs preuves.
Oui, se libérer du regard des autres demande un travail. Un Travail personnel non musical. Je publierai bientôt un article sur l’un de ces outils de thérapie brève.
Vous y découvrirez comment les neurosciences observent des changements dans le cerveau des personnes qui guérissent de phobies avec de telles techniques.
Je vous assure, c’est fascinant de voir comme les humains peuvent évoluer rapidement !
Cela me peine de constater que beaucoup de personnes croient encore que le changement est obligatoirement long et douloureux.
D’ici là, si vous avez des questions, des remarques, écrivez-moi dans les commentaires, je vous répondrai avec plaisir.
Avec confiance et motivation 🎶😏
Roman Buchta
Merci pour cette explication sur le « flow » que je ne connaissais pas.
Merci à toi !
Bonjour Roman
Merci pour cet article très enrichissant et en particulier sur cette mise au point sur ce qu’est le « flow ».
J’ai adoré cette phrase : » (…) système scolaire français qui entoure en rouge tout ce qui est faux au lieu d’entourer en vert tout ce qui est juste (…) J’ai enfin compris pourquoi je n’aimais pas la couleur ROUGE 🙂
Est-ce que lire en oubliant l’heure et tout ce qui passe autour de moi s’apparente à l’état de FLOW (que ce soit un polar ou autre) ?
Sinon il me semble que pratiquer la méditation permet de vivre cet état.
Pour le trac je pratique une des clés pour lutter contre la procratisnation que l’on trouve dans votre formation MMI : « juste 2 minutes »… alors 2 minutes de méditation avant de jouer que ce soit chez moi ou à l’extérieur
Merci encore
Marguerite
très intéressant et bien hâte de lire l’article sur cette théorie brève. Merci à toi
Merci pour votre retour ! ☺️