J’ai une question pour vous.
Peut-on apprendre la musique en se reposant ?!
Drôle d’idée, non ? Et pourquoi pas ?
Rassurez-vous ! Je ne vends pas de pilules magiques.
Nous allons parler d’un aspect de l’apprentissage qui est trop souvent laissé de côté et que les neurosciences valorisent… Le repos !
Vous êtes prêts ? Suivez le guide…
Apprendre la musique via les 2 modes du cerveau
Avez-vous déjà entendu parler des deux modes d’attention de notre cerveau ?
Ces deux modes sont deux façons différentes de fonctionner.
On les appelle mode focus et mode diffus ou mode d’attention focalisé et mode d’attention défocalisé.
Bien sûr, ces deux modes ont chacun leur utilité. Voyons leur impact sur l’apprentissage de la musique.
Le mode focus
Le mode d’attention focalisé est le mode que l’on emploi quand nous nous concentrons activement sur une tâche donnée.
Comme quand nous travaillons nos gammes, quand nous essayons de résoudre un problème de doigtés, etc.
Ce mode est volontaire, analytique, séquentiel.
Lorsque nous travaillons nos gammes, nous nous impliquons volontairement.
Nous analysons ce que nous faisons et agissons par étape.
Les points de vigilance vis à vis du mode focus
Le mode focus est essentiel pour apprendre le piano, la batterie, la MAO, et pour apprendre en général.
Mais il ne nous permet pas d’accéder à l’ensemble des connaissances présentes dans notre cortex.
Seules les données qui ont un rapport étroit avec ce sur quoi nous sommes focalisés sont accessibles.
Si nous faisons de la musique par exemple, nous aurons un accès privilégié aux concepts musicaux stockés dans notre cerveau comme l’harmonie, la rythmique.
Nous aurons aussi accès à des concepts musicaux plus larges comme les particularités des styles de nos musiciens et chanteurs favoris.
En revanche, il nous sera moins facile de connecter notre savoir en matière de droit administratif ou de gastronomie Basque.
Tout ça est logique et pratique.
Mais il y a un mais…
Le mode focus crée un biais de perception
Effectivement, il y a un mais, auquel il faut faire attention !
La capacité du mode focus à momentanément « cloisonner notre esprit » engendre un vilain défaut !
En effet, elle génère un biais de perception qui fausse notre appréciation de la réalité.
Pour l’expliquer simplement, en mode focalisé nous avons la tête dans le guidon.
Et forcément, dans ces conditions nous manquons de perspective et de recul.
Ce biais de perception fait que nous avons un peu trop facilement la sensation d’avoir raison.
Et quand nous pensons être sur le bon chemin, nous avons tendance à vouloir rester dessus !
Conclusion : le mode focus crée de l’entêtement.
Le mode diffus
Les neurosciences parlent d’un second mode d’attention, le mode diffus.
Celui-ci a un fonctionnement presque opposé à celui du mode focus et il a de superbes atouts pour apprendre la musique.
NOTE : J’ai déjà fait une petite description du mode diffus dans l’article « Comment travailler efficacement son instrument quand on est en vacances ? ».
Vous trouverez cette description dans la partie « Planifier à l’avance ses séances de travail » située dans le premier tiers de l’article.
Pour ne pas trop me répéter, ici je vais vous donner des compléments d’information.
Les atouts du mode diffus
Contrairement au mode focalisé, ce mode de travail met en lien de façon aléatoire l’ensemble des notions et connaissances présentes dans notre cerveau. Mais il fait bien plus que cela !
Le mode diffus amène notre cerveau à :
- Consolider nos apprentissages
- Prolonger les réflexions que l’on a entamées en mode focus
- Résoudre des problèmes en cours en créant des solutions innovantes
- Partir en créativité
Fabuleux n’est-ce pas ?
On voit tout de suite son utilité dans l’apprentissage d’un instrument de musique.
A présent je sens qu’une question vous brûle les lèvres.
Comment mettre le mode diffus en route ?
Tout est dit.
Pour enclencher le mode d’attention défocalisé, il suffit de se reposer. Il suffit de faire la sieste, d’aller marcher, de lancer une lessive, de faire une petite course.
En gros, il n’y a qu’à se reposer l’esprit, penser à autre chose ou dormir.
Le sommeil est le mode diffus par excellence.
Qui n’a pas déjà eu la sensation d’avoir progressé après une bonne nuit de sommeil et de mieux arriver à aborder un passage délicat d’un morceau sur lequel il travaille ?
Par preuve, c’est alors qu’il se détendait dans son bain qu’Archimède a eu l’éclair de génie qui lui a fait dire « Euréka ! ».
Nous savons aujourd’hui que c’est aussi dans ce mode qu’Einstein a compris le lien entre l’espace et le temps.
Et c’est dans ce même mode que Dali avait eu l’idée de peindre des montres molles.
Tout cela donne à réfléchir…
Pour en savoir plus sur les modes focus et diffus
Pour en savoir plus, je vous invite à lire l’article dont je vous ai précédemment parlé en cliquant ici.
Vous pouvez aussi regarder la vidéo suivante dans laquelle Barbara Oakley, professeure en ingénierie à l’Université d’Oakland, parle des modes diffus et focus.
Cette vidéo est en anglais.
Google peut traduire les sous-titres mais bon, les traductions automatiques, cela vaut ce que ça vaut !
Comment le repos peut vous aider à apprendre la musique ?
Comme je le répète souvent à mes étudiants, en matière d’apprentissage, la qualité est 1000 fois plus importante que la quantité.
Et pour faire de la qualité il faut être bien reposé et donc bien dormir !
Parfois on a bien bossé son instrument, on est un peu fatigué, saturé, et on sent qu’un peu de repos nous ferait du bien…
Travailler beaucoup donne bonne conscience
Pourtant même si on sent qu’une sieste serait très bénéfique, on préfère quand même peaufiner encore un peu telles nuances rythmiques ou mélodiques !
Parce que quand on s’exerce sur son piano, sa guitare, on a plus la sensation consciente de faire des efforts, de s’investir pour réussir que lorsque l’on épluche des oignons ou lorsque l’on dort.
Pourtant, on ne favorise pas plus notre réussite en s’agrippant à nos instruments au lieu de se détendre un peu.
Car l’éducation classique à la française qui vante l’effort, le progrès dans la douleur, nous a tous touchés de près ou de loin.
Et si vous êtes comme je l’ai été pendant longtemps, vous avez une légère tendance à choisir 30 minutes d’arpèges supplémentaires plutôt qu’un réconfort bien mérité.
Alors pour vous aider à vous reposer en ayant bonne conscience, sachez que…
Dormir catalyse l'apprentissage
Tout le monde sait que le sommeil est bon pour l’apprentissage.
Il permet au cerveau de trier, transférer et stocker les infos clés dans les aires corticales appropriées.
Dormir permet d'oublier les informations inutiles
Géraldine Rauchs chargée de recherche à l’Unité Inserm1077 «Neuropsychologie et neuroanatomie fonctionnelle de la mémoire humaine», est formelle :
Le sommeil permet d’oublier des informations inutiles.
Des infos comme la couleur des chaussures que portaient le prof de piano mardi dernier…
Ou bien que tel interprète abusait du vibrato dans tel concerto, mais que cela n’ajoutait en rien à la beauté de la mélodie selon certains critiques…
Protocole de l'expérience
Pour étudier l’impact du sommeil sur l’oubli, les chercheurs ont fait une expérience dans laquelle deux groupes d’étudiants voyaient une série de mots précédés pendant une seconde de la mention « à retenir » ou « à oublier ».
Suite à cela, l’un des deux groupes a été privé de sommeil la nuit qui suivait le visionnage de ces mots.
Lors du test final, les deux groupes avaient retenu de la même façon les mots « à retenir ».
En revanche, le groupe privé de sommeil avait également retenu les mots « à oublier » contrairement à l’autre groupe.
Sieste et apprentissage de la musique
Du sommeil à la sieste, il n’y a qu’un pas !
Et on sait tous qu’une sieste fait du bien.
On retrouve de la fraicheur d’esprit, de l’énergie et notre capacité de concentration.
Mais quel impact a une sieste sur ma capacité à enchainer correctement les accords que j’ai joué ce matin ?
Une équipe de chercheurs allemands a testé l’impact de la sieste sur deux types de mémoire :
La mémoire procédurale que l’on utilise pour apprendre des gestes, des mouvements et tout types de séquences motrices.
Et la mémoire déclarative qui nous sert à stocker les connaissances que l’on a sur le monde, que l’on partage par le langage.
Une sieste améliore les apprentissages procéduraux
Dans leur expérience, les chercheurs ont fait faire des apprentissages procéduraux et déclaratifs à deux groupes de sujets.
Ensuite, l’un des groupes a fait une sieste de 45 minutes tandis que l’autre groupe a été maintenu éveillé.
Lors du test final, le groupe qui avait fait une sieste a fait des progrès importants sur les apprentissages procéduraux.
Les sujets qui n’avaient pas fait la sieste, eux, n’ont pas progressé à ce niveau là.
En revanche, la sieste n’a pas eu d’impact sur les apprentissages déclaratifs.
Conseils pratiques
Comme vous avez pu le voir dans un article précédent, travailler plus ne veut pas dire progresser plus.
Et pour apprendre efficacement, il y a des hacks.
Ces accélérateurs de progrès sont si simples que parfois on néglige leur impact.
Pourtant, pour apprendre mieux et plus vite ils sont LA voie à emprunter !
Travaillez moins, dormez plus
Rien ne sert de travailler quand on est fatigué.
Car pas de concentration, pas de mémorisation et peu de satisfaction !
On est pas loin de la perte de temps…
Mieux vaut travailler moins et dormir ensuite qu’agiter nos mains au-dessus du clavier jusqu’à ce que nos yeux se ferment tout seul.
Veillez à dormir suffisamment avant et après vos cours
Un bon sommeil rentabilise davantage ce qu’on intègre pendant les cours avec nos professeurs.
Les nuits avant et après le cours sont à choyer. Comme toutes celles qui jouxtent nos plus belles séances d’entraînement musical.
Rappelez-vous que toutes les recherches scientifiques le prouvent.
Même si nous ne le sentons pas consciemment, dormir nous fait progresser !
Abusez du mode diffus
Le mode diffus travaille à consolider nos apprentissages pendant que nous nous détendons !
Une simple sieste accélère nos apprentissages procéduraux et nos progrès.
Si c’est pas une bonne nouvelle ça !!
Alors quand vous êtes fatigué, faites une mini-sieste avant d’entamer votre entraînement musical.
Et si, en fin de séance, vous sentez que vous piquez du nez, arrêtez de suite de bosser et accordez-vous une bonne petite séance de repos.
Rappelez-vous, se reposer c’est comme s’exercer, mais en mieux !
Avec confiance et motivation
Roman Buchta
Bonjour Roman, très intéressant cet article. Combien de temps est ce que tu conseilles de travailler l’apprentissage d’un instrument en mode focus au quotidien? Concernant le mode diffus, est ce que tu penses que de passer d’un mode de sommeil « classique » à un mode de sommeil polyphasique peut améliorer et booster notre apprentissage?
Hello Pierre !
Pour le temps de travail quotidien, je t’invite à lire cet article !
Le sommeil polyphasique, pour les lecteurs qui n’en ont pas entendu parler, permet de séquencer notre temps de sommeil en petites périodes bien plus nombreuses. L’idée est d’offrir un gain de temps, de productivité et ce, sans effets secondaires (du moins en théorie).
Perso, je n’ai pas testé et je ne connais personne qui a réussit à l’installer dans la durée.
En toute honnêteté, je pense qu’il existe beaucoups d’autres leviers plus simples à actionner pour progresser plus rapidement.
Et que c’est par là qu’il faut commencer !!!
A mes yeux, le sommeil polyphasique serait plutôt LE truc subtile à tester quand tout le reste est au top…
Sinon, cela revient à modifier la composition de l’huile de moteur d’une Ferrari quand on arrive pas encore à bien passer les vitesses.
J’espère que cela répond à ta question.
Excellente continuation à toi 😉
A LIRE IMPÉRATIVEMENT : Excellents conseils pour apprendre un instrument (sans culpabilité !)= Mode diffus : une autre manière d’apprendre la musique. MERCI ROMAN .
Merci pour votre commentaire Bernadette !