Cela vous est-il déjà arrivé de vous lever le jour avant une audition ou un concert important et de prendre soudainement conscience que demain c’est le grand jour ? De réaliser que vous n’êtes pas prêt pour le Jour J et de vous dire à vous-même « Nan, c’est quand même pas déjà demain, attends, comment est-ce possible ? »
Comme vous le savez déjà, cela m’est déjà arrivé plus d’une fois. En fait, cela m’est arrivé à chaque fois que je voulais « monter mon set ».
Chaque fois, je me concentre sur telle petite transition qui passe mal, telle note qui ne sonne pas, telle faute de rythme. Je me focalise sur le problème que j’ai juste en face de moi et je m’acharne à le résoudre. En fait j’agis comme si le travail de ces détails était la chose la plus importe à faire MAINTENANT !
Bien sûr, après chaque « raté », je me dis systématiquement, « la prochaine fois je serai plus prêt, je m’organiserai mieux, je serai plus efficace, etc… ». Mais chaque fois, c’est pareil. Le Jour J approche et je m’aperçois que je ne suis pas du tout prêt.
Le plus incroyable, c’est que cela a encore failli m’arriver le mois dernier. C’est fou ! Suis-je le seul ? La science dit que non. Mais pourquoi, est-ce si dur de gérer correctement sa préparation ? Comment faire pour mieux travailler et être prêt pour le Jour J ?
Urgent contre important
En Février,une équipe de chercheurs a publié une série d’études sur comment nous prenons nos décisions quand il s’agit de tâches urgentes et de tâches importantes.
Ok ! Mais quelle est la différence ?
Ce qui est urgent, c’est ce que je dois faire maintenant et que je ne pourrais plus faire plus tard. En fait, c’est tout ce qui a une deadline proche dans le temps. Quand je me lève le matin, j’ai une petite fenêtre de temps durant laquelle je peux méditer dans le salon avant que ma compagne ne se lève. Après, il y a du bruit et du mouvement.
Ce qui est important, c’est tout ce qui fera une différence de taille dans l’avenir mais qui n’a pas une deadline proche dans le temps. Comme méditer, me brosser les dents…
La matrice d'Eisenhower
De cette classification découlent 4 catégories.
- Les choses importantes et urgentes. Répondre à un client pour valider les termes d’un contrat et fixer une date de signature.
- Les choses importantes et pas urgentes. Appeler mes parents, ma tante…
- Les choses urgentes et pas importantes. Regarder les chemises en promotion sur tel site avant la fin des soldes.
- Les choses pas urgentes et pas importantes. Ranger mes habits dans le placard par couleur, des plus clairs aux plus foncés.
Le tableau qui modélise ce concept est appelé « Matrice d’Eisenhower » du nom du 34 ème président des Etats-Unis qui l’a popularisé.
Choisir entre deux tâches
126 étudiants ont dû choisir entre deux tâches différentes, A et B, de difficulté et de durée similaire.
Les deux tâches consistaient en la rédaction de 5 descriptions, d’une durée d’une minute chacune, de divers produits (comme un téléphone). Pour chaque description complétée, les étudiants obtenaient un bonus de 6 points, pour la tâche A, et de 10 points, pour la tâche B.
Tous les 10 points de bonus accumulés, les étudiants recevaient un délicieux chocolat en récompense.
Cependant, la moitié des étudiants, le groupe urgence, recevaient comme consigne qu’ils n’avaient que 10 minutes pour faire la tâche A alors qu’ils disposaient de 24 heures pour faire la tâche B.
L’autre moitié, le groupe contrôle, disposait des 24 heures pour réaliser les deux tâches.
Quels choix ont fait les étudiants ?
Logiquement, on s’attend à ce que tous les étudiants effectuent davantage la tâche B. En effet, pour une même quantité de travail la tâche B permet d’obtenir presque 2 fois plus de chocolat.
Pourtant, la deadline de 10 minutes semble influencer la pensée des étudiants. 33,1% des étudiants du groupe urgence ont choisi la tâche la moins rentable contre 13,3% pour le groupe contrôle.
Mais pourquoi cela ? Tout le monde comprend que la tâche B rapporte plus pour un travail égal ?
Temps contre bénéfice
Effectivement ! Mais les chercheurs ont reconduit l’expérience en creusant un peu plus. Cette fois-ci, de l’argent réel était impliqué. Voici les résultats :
- Les étudiants qui choisissent les tâches les moins rentables sont moins centrés sur le bénéfice (combien d’argent vont-ils gagner) que sur le temps (combien de temps leur reste-t-il ?).
- Quand les expérimentateurs rappellent aux étudiants combien ils vont gagner pour chaque tâche correctement effectuée, l’effet d’urgence disparaît !
- L’effet d’urgence est plus prononcé chez les étudiants qui se considèrent comme « pressés ».
L'impact de la deadline
Il est évident que nous sommes tentés de favoriser une tâche qui doit être réalisée rapidement.
Les imprévus de la journée semblent plus « urgents » que le travail sur des projets à long terme car le bénéfice à passer la matinée dessus est clair et concret. Et comme notre cerveau, nous raffolons des récompenses !
Pour ma part, je me sens davantage poussé à finir la rédaction de mon article hebdomadaire qu’à travailler mentalement (je suis toujours à Ibiza et je n’ai pas de guitare pour m’exercer) les morceaux de mon concert programmé dans environ deux mois.
C’est clair que le travail mental de mes morceaux est important si je veux être prêt pour le Jour J. Mais la rédaction et la publication de mon article m’offre une récompense plus claire et plus rapide.
Quand l'urgent semble important
Je ne sais pas pour vous mais pour ma part, quand une note sonne mal ou que je ne suis pas à l’aise avec un geste technique, j’ai tendance à me focaliser dessus.
Au lieu d’investir mon temps et mon énergie dans de « l’important », comme la recherche de pistes d’interprétation différentes, ou dans la pratique de techniques qui augmentent la confiance que j’ai dans la réussite de mon projet, « je bloque » sur des détails qui me semblent vitaux sur le coup. Mais au fond, je sais très bien qu’ils ne le sont pas…
Bien sûr, je me convaincs moi-même que quand ces détails techniques seront réglés, je me focaliserai sur l’enregistrement de mes morceaux. Je me dis qu’après je pourrai mieux effectuer les étapes importantes du travail que sont le travail d’interprétation, d’enchainement des morceaux, etc.
C’est exactement pour cela que, dans la préparation de mon concert, j’ai favorisé la séance de travail technique à la séance d’enregistrement. Je l’explique d’ailleurs dans l’article « Analyser sa méthode de travail pour devenir un meilleur musicien ».
Mais qu'est-ce qui est réellement important ?
Parfois, quelque chose nous semble urgent juste parce que nous le remarquons plus facilement, c’est plus visible et plus saillant. C’est ce qui se passe avec les pincées à la main droite qui me posent « problème ».
Mais il est évident qu’une fois que j’aurai solutionné ces « problèmes », d’autres feront leur apparition. En fait, cette spirale ne s’arrête jamais d’elle-même.
Si mon ami pianiste me dit de me focaliser sur l’interprétation, c’est parce qu’il sait cela. Il veut m’éviter de m’obstiner dans « l’urgent » au lieu de m’investir dans « l’important ».
Parce que nous ne nous sentons jamais totalement prêt ! Donc il est crucial de se jeter à l’eau rapidement. C’est ce que je n’avais pas compris et c’est pour cela que je répétais les mêmes erreurs.
Mieux vaut s’entraîner en condition réelle avec toute la pression qui en découle que de peaufiner des détails à n’en plus finir.
Maintenant que j’intègre mieux cela, je comprends par le passé certaines personnes qui ont essayé de m’avertir. Cependant, les gênes que je ressentais et ressens dans certains gestes comme les pincées étaient réelles ! Et mon cerveau trouvait urgent de tout faire pour en venir à bout…
Alors, maintenant que nous connaissons « l’effet d’urgence », comment nous en protéger efficacement et être prêt pour le Jour J ?
Conseils pratiques
Analyser son travail pour le réajuster
Travailler ce qui est vraiment important
S'enregistrer et augmenter nos chances d'être prêt pour le Jour J
Noter pour rester focalisé
Un dernier conseil. Notez cette stratégie sur un bout de papier qui est toujours à portée de vue quand vous travaillez votre musique.
- Enregistrement
- Analyse des points clés importants à travailler
- Travail de ces points clés
Entre « Ah oui, ce conseil n’est pas idiot, ce serait bien que j’y pense » et une application solide et automatisée de ce conseil, il y a un monde. Et parfois ce monde est franchi aisément grâce à un petit post-it !
Vous soulagerez votre mémoire de travail tout en ancrant comme un véritable réflexe mental le fait de vous poser la question suivante :
« Suis-je en train de faire ce qu’il est réellement important que je fasse? »
À bon entendeur !
Avec confiance et motivation 🎶😏
Roman Buchta
Bonjour,
Le lien pour analyser sa méthode de travail ne fonctionne pas. Vers quelle article oriente-il, svp ?