piano-partition-mémoire-de travail

Comment booster la mémoire de travail du musicien ? #2

Bonjour.

Voici une devinette.
Quel est le point commun entre les activités suivantes ?

  • Déchiffrer une partition en la jouant ?
  • Comparer des accords, des intervalles sonores, entre eux ?
  • Faire attention à garder les épaules souples pendant que vous jouez pour la énième fois le même morceau ?
  • Mémoriser de nouvelles positions d’accords tout en les enchainant dans un ordre précis ?
  • Jouer avec un métronome en restant attentif à garder de la musicalité tout en étant le plus « droit » rythmiquement ?
  • Réussir à ne pas perdre le fil de ce que vous jouez pendant que dans votre tête vous entendez en continu « Mon dieu il y a des gens qui m’écoutent ! Mon dieu il y a des gens qui m’écoutent ! Mon dieu il y a des gens qui m’écoutent ! »

Rires !!

Et oui.
Toutes ces activités mobilisent votre mémoire à court terme (MCT) et votre mémoire de travail (MDT).

Si vous avez lu l’article de la semaine dernière, vous m’avez vu venir de trrèèès loin.
Un peu comme le capitaine Haddock qui guette la côte avec sa longue vue pour étancher sa soif et qui aperçoit une échoppe où il va enfin pouvoir faire le plein de bons whiskies.

Si vous n’avez pas lu le premier article sur la mémoire de travail
Je vous invite à le découvrir en cliquant ici.

Cela vous permettra de poser les fondations avant les tuiles.

Et vous aurez ainsi une compréhension complète de :
=> Comment votre mémoire de travail fonctionne ?
=> Comment votre mémoire de travail peut vous aider à devenir un meilleur musicien ?

C’est OK pour vous ?
Vous l’avez lu ?

Super, allons-y pour la suite!

Niveau d’expertise dans la pratique instrumentale et mobilisation de la mémoire de travail

Songez à la première fois que vous avez touché un instrument.
Vous vous rappelez ?

Pour enchainer quelques notes correctement, c’était la folie.

Vous étiez corps et âme investi dans cette mission.
Regard intense, langue appuyée sur le côté des lèvres, front légèrement plissé.
Peut-être même que des petites perles de sueur ruisselaient sur votre visage.

En 5 mots : 
vous étiez, concentré(e) au plus haut point.

Et si à ce moment, quelqu’un ou quelque chose vous demandait un chouilla d’attention

PAAMM !

Alors votre tête explosait comme un ballon !
Et vous perdiez complètement le fil de ce que vous faisiez.
Totalement incapable de retrouver la route…

On l’a tous vécu n’est-ce pas ? 😉

Mais pourquoi au juste ? Et bien tout simplement pour la raison suivante :

Moins vous maîtrisez une compétence, physique ou mentale, et plus cela pompe de ressources à votre mémoire de travail.

Je répète :
Moins vous maîtrisez une compétence, physique ou mentale, et plus cela pompe de ressources à votre mémoire de travail.

Le cas extrême, c’est quand vous ne maîtrisez absolument pas une nouvelle compétence.
Ou que vous faites face d’un coup à une armée de nouvelles informations.

Le déchiffrage d’une partition est un autre bon exemple.

Pour déchiffrer tout en jouant sur votre instrument, vous avez intérêt à aussi bien maîtriser la lecture que votre instrument !

Sinon ce sera un arrêt à chaque mesure, les yeux qui se plissent et votre voix qui résonne en disant :
 « Tiens c’est quelle note déjà ça ?» ou « Comment il se joue cet accord déjà ? »

Vous pouvez même retrouver ce phénomène lorsque vous discutez avec des amis en marchant.
Si votre échange devient passionné et s’embrase, vous allez vous arrêter de marcher !

Vous allez me dire : « Mais pourquoi Roman ?
Marcher est une compétence que je maîtrise depuis que j’ai 14 mois ! »

Oui je sais !

Mais une discussion sulfureuse vous demande un investissement mental et émotionnel gigantesque.
À cet instant-là, même une action simple comme continuer à marcher, c’est trop demander à votre mémoire de travail.

Si vous vouliez y arriver malgré tout, vous devrez garder cette consigne en conscience et y revenir régulièrement. Comme le singe qui, de liane en liane, fait le tour des arbres du coin…

Pas facile dans cette situation…

Mémoire de travail et performance musicale

Pensez à quand vous avez appris à conduire.

Au départ, c’est un challenge d’appuyer sur l’embrayage tout en emboîtant le levier de vitesse au bon endroit. Rires !

Alors, ne parlons même pas de l’éventualité d’une voiture qui vous foncerait dessus et vous forcerait à réagir vite et bien.

Avec des compétences aussi faibles, c’est l’hystérie assurée.

Et oui, la panique, et dans une moindre mesure la peur, court-circuite votre mémoire de travail.

Bien sûr, les compétences les moins maîtrisées sont celles qui y passent le plus vite ! Paix à leurs âmes.

C’est pour cela que tous vos professeurs de musique vous ont dit au moins une fois :
«  Quand tu montes sur scène, tu dois être prêt à 200% »

Et ils ont tous raison !

D’abord, votre mémoire de travail doit d’un coup gérer une montagne de nouvelles informations.

Un éclairage et une acoustique différente qui modifient vos repères.
Des dizaines ou des centaines de paires d’yeux qui vous fixent.
Pour assaisonner tout cela, ajoutez quelques poignées de pensées parasites.
Mettez à feu vif et portez à ébullition.

Tadah !

C’est prêt !

Et je ne vous ai pas tout dit.
En plus de perdre l’accès à une grande partie de votre mémoire de travail,
le stress et la panique lui font littéralement perdre les pédales.

Oui le trac, la peur, le stress, peuvent court-circuiter l’activité de votre lobe préfrontal, siège principal de votre mémoire de travail.

Le système de survie ( le système limbique, au centre du cerveau) prend alors le contrôle.

Et vous commencez à faire n’importe quoi.

Je me rappelle du jour où ma voiture a pris feu sur le parking de la Biocoop.
Ma sœur est partie en courant chez elle pour appeler les pompiers avec son téléphone fixe.
Et elle est partie en courant avec son téléphone portable dans la main !

C’est drôle, non ?

Quand la panique vous gagne sur scène, il en faut peu pour que vous vous emmêliez les pinceaux.
Et le conte de fées peut vite se changer en cauchemar…

Le chef d’orchestre devient fou.
Il quitte l’estrade en courant.
Les musiciens sont perdus et vous l’êtes encore plus.

Mémoire de travail et apprentissage de la musique : conseils pratiques

Vous l’avez compris.
Il est capital que vous respectiez les limites de votre mémoire de travail.

Si vous omettez de le faire, vous diminuez incroyablement l’efficacité de votre travail musical. En effet, si vous saturez votre mémoire de travail, vous serez vidés de votre énergie mentale en très peu de temps.

Un peu comme si vous sortiez à 11h30 avec l’esprit embrumé d’une réunion barbante de 3h.
Alors qu’il est 8h40 du matin et que ça ne fait que 20 minutes que vous êtes sur votre piano ou votre guitare.

Vous voyez le genre ?

Pour éviter que ça vous arrive, voici quelques conseils.

1) Observez-vous lorsque vous êtes en difficulté

Quand vous « galérez » pendant votre travail musical, c’est souvent que vous faites trop de choses en même temps.

Trop de choses qui ne sont pas assez automatisées pour le moment.

Dans ce cas, arrêtez-vous un instant ! Réfléchissez précisément à ce que vous êtes en train de faire et aux nombres de compétences que cela mobilise.

Êtes-vous en train d’essayer de mémoriser un enchaînement d’accords et de retenir la position de ces accords en même temps tout en les jouant ?

Êtes-vous en train d’essayer de déchiffrer une partition complexe et de la jouer alors que vous avez des difficultés à lire la partition ?

Êtes-vous en train d’essayer de faire revenir en mémoire une grille d’accords tout en appliquant un rythme que vous ne maîtrisez pas encore ?

Dans toutes ces situations, vous en demandez trop à votre mémoire de travail.
Elle va vite se fatiguer.
Vous ne pourrez pas rester concentré bien longtemps.
Et des nuées de pensées parasites vont s’emparer de votre esprit.

Vous n’aurez plus assez d’énergie mentale pour les chasser.

Respectez la règle suivante :
Ne travaillez pas plusieurs compétences que vous ne maîtrisez pas en même temps !

Car chacune de ces compétences a besoin d’un travail de haute qualité pour être intégrée.
Un travail centré uniquement sur l’acquisition de cette compétence.

Vous ne pouvez travailler plusieurs compétences en même temps que lorsque celles-ci sont déjà bien intégrées. Que les réseaux neuronaux qui les supportent sont déjà constitués et solidifiés.

Vous n’êtes pas encore experts, mais ces compétences sont déjà maîtrisées en grande partie. 😉

Il n’y a que dans ce cas que vous gagnerez à tenter de garder en conscience plusieurs consignes différentes.

2) Priorisez vos apprentissages musicaux 

Maintenant que vous allez soigner chaque compétence.
Il est temps de prioriser votre travail.
Quelles compétences utilisez-vous le plus souvent ?

La lecture? L’enchaînement d’accords ? Certains arpèges ?

Prenez 2 minutes et identifiez les compétences que vous utilisez le plus souvent.

Allez-y !

C’est fait ? Parfait !

Vous savez donc quelles sont les compétences sur lesquelles vous devez mettre l’accent maintenant.

Si vous les utilisez souvent sans vraiment les maîtriser, elles sollicitent très fortement votre mémoire de travail !
Cela ne laisse plus beaucoup de ressources pour le reste.

Un peu comme quand vos enfants vous tirent le pantalon ou la jupe pour que vous jouiez avec eux.
Alors que vous essayez de finir ce fichu dossier qui ne peut pas attendre la fin du confinement !

Focalisez-vous sur ces compétences transverses !

Vous pourrez ainsi vous consacrer au fait de prendre du plaisir.
Ou vous focaliser sur la correcte exécution d’une autre compétence…

Si vous avez des questions ou des anecdotes sur le sujet, écrivez-les dans les commentaires. Je répondrai avec plaisir.

De plus, cela permettra à Google de comprendre que cet article mérite d’être bien référencé !
Et donc de me donner un petit coup de pouce pour faire connaître mon travail. 😉

Avec confiance et motivation,

Roman Buchta

Partager l'article
  • Frederic dit :

    Merci Roman pour ce nouvel article toujours aussi intéressant ! Et très bien écrit, très agréable à lire.

    Au plaisir de recevoir le prochain.

    Frédéric

  • Nicolas dit :

    Clairement, la mémoire (encore plus que la dexterité) m’a toujours impressionné chez les violonistes ou les pianistes. Merci pour ton article !

    • Roman Buchta dit :

      Oui, la mémoire peut être une faculté mentale qui impressionne !
      Mais beaucoup oublient qu’elle obéit à des règle et qu’elle a un mode d’emploi ! 😉
      Et lorsqu’on le connait, tout devient beaucoup plus facile et beaucoup plus efficace…
      Merci pour ton retour !

  • Sébastien MARCHI dit :

    Merci Roman pour cet article toujours très instructif et parfaitement imagé :oD.

  • Marie-Hélène dit :

    J’aime beaucoup le fond, le contenu et aussi la forme c’est bien structuré. Demain, au piano, je travaillerai des passages plus courts, en pensant bien à ce que je fais, avec une intention différente à chaque fois mais une seule à la fois. Le passage où tu parles d’arrêter de marcher quand on s’investit dans une discussion est celui qui m’a le plus persuadée.

  • >